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C’est en 2013 que Sinan lance la marque de vêtements SAYF. Son concept : créer un pont culturel à travers la mode et proposer des collections streetwears inspirées des tenues traditionnelles africaines, asiatiques et new-yorkaises. Quelques années plus tard, grâce à la détermination de cet entrepreneur passionné de design, la marque rencontrera un véritable succès et sera soutenue par Initiative Ouest Provence dans ses projets de développement.

Quel est votre parcours professionnel ?

J’ai commencé à faire de la musique très tôt, vers l’âge de 9 ans. A mes 17 ans, je produisais mes premiers albums de rap, je réalisais des pochettes, j’organisais des concerts et je contactais des partenaires… Sans le savoir, j’apprenais déjà les fondamentaux de l’entrepreneuriat.

En 2010, après mon expérience dans l’univers de la musique, j’ai décidé de lancer ma première marque de vêtements streetwears. Je travaillais en collaboration avec des graphistes qui personnalisaient des t-shirts, vestes, casquettes… Après 3 ans d’activité, j’ai arrêté car je n’arrivais toujours pas à me dégager un salaire.

C’est en décembre 2013 que j’ai lancé une nouvelle entreprise : la marque de vêtements SAYF. Mon objectif était de proposer des pièces atypiques aux inspirations multiculturelles (africaines, asiatiques, new-yorkaises, etc.) Mes collections sont à mi-chemin entre le streetwear et les vêtements traditionnels issus des différentes cultures du monde. Ma marque de fabrique : des vêtements longs et larges au design unique. C’est grâce à cette identité forte que la marque a rapidement pris un bel essor. Avec SAYF, je crée mes produits de A à Z : du design, en passant par la recherche de matières premières et d’ateliers de fabrication jusqu’à la commercialisation.

Comment sont fabriqués et commercialisés vos vêtements ?

J’imagine et je dessine chaque pièce. Mais j’envisage de faire appel à d’autres designers et pourquoi pas une directrice artistique pour les prochaines saisons car le temps vient à manquer et je dédie une grande partie de celui-ci à la stratégie de commercialisation. Je crée des collections capsules et depuis un moment je suis de plus en plus sollicité pour réaliser des collaborations avec des personnalités publiques (footballeurs, chanteurs, etc.). Alors si une belle occasion se présente, je ne la laisserai pas passer. Cela me permettra de couper avec le parcours de production classique.

Concernant la production, je travaille avec un fabricant français basé à Toulon et d’autres prestataires à Marseille. Pour la conception des jeans, les ateliers de production sont situés en Tunisie (ce sont les mêmes fabricants qui travaillent pour Tommy Hilfiger, par exemple). Je travaille également avec des ateliers pakistanais et marocains. Lorsque les produits arrivent en France, une partie est stockée dans des conteneurs à Fos-sur-Mer, l’autre partie est livrée directement ici, dans mon entrepôt à Martigues.

Lors du lancement de SAYF, j’avais un réseau de distribution d’environ 30 revendeurs multimarques de partout en France mais j’ai finalement pris la décision de commercialiser mes produits exclusivement sur mon site e-commerce. Une personne est entièrement dédiée à la gestion du site marchand et à la préparation des commandes.

Vous vendez partout en France, mais qui sont vos clients fidèles ?

La clientèle a d’abord répondu présente dans la région parisienne car la mode y est plus cosmopolite. Pour tout vous dire, les ventes dans le sud de la France restent moins importantes que dans les grandes villes du reste de l’hexagone. Je réalise même plus de ventes à Bruxelles ! C’est assez frustrant car je ne vois pas le fruit de mon travail. Mais lorsque je suis en déplacement à Paris et que j’ai la chance de croiser des personnes portant des vêtements SAYF, alors je suis très fier du travail accompli !

Concernant le type de clientèle, il faut savoir que la marque propose principalement des vêtements pour Homme. Mais je viens de lancer une première collection Femme. Je dois réfléchir à une nouvelle stratégie de communication pour mettre en valeur cette collection car SAYF est depuis toujours identifiée comme une marque masculine. Pourtant, 35% de nos ventes sont réalisées par des femmes qui achètent pour leur conjoint ou leur enfant !

Comment est orientée votre communication ?

J’ai la chance d’être très bien entouré : agences de communication, graphistes, photographes, etc. Je travaille avec des prestataires qui s’occupent de toute la communication digitale. Avec l’expérience, j’ai compris qu’il fallait communiquer de manière très simple avec un message clair. Mais j’ai également compris que je devais me retirer de la marque au niveau de la communication : au lancement de SAYF, j’avais pour habitude de faire beaucoup de « personal branding » en me mettre en avant en tant que créateur. Mais certaines personnes n’arrivaient pas à s’identifier. J’ai donc progressivement laissé la place à une communication orientée « produit ».

J’ai eu également l’opportunité de travailler avec une célèbre agence de relation presse qui a lancé une action massive de communication auprès de médias nationaux. Et c’est en 2019 que j’ai été contacté par le groupe TF1 pour réaliser une interview. Les journalistes avaient adoré le message multiculturel que je voulais transmettre au travers de la marque. Le reportage sur TF1 nous a fait toucher une audience de 6 millions de téléspectateurs sans compter le million de vues sur Facebook. Nous avions 100 000 visiteurs par seconde sur le site internet ! Ce reportage nous a beaucoup aidé et nous aide toujours car il nous permet d’appuyer encore plus notre crédibilité.

C’est à cette période que vous avez contacté Initiative Ouest Provence ?

En effet, je me suis rapproché de la plateforme en mars 2019, lorsque les médias nationaux ont commencé à s’intéresser à la marque. C’est Sophie Mghachou, chargée d’affaires chez Initiative Ouest Provence, qui s’est occupée de mon dossier. J’avais besoin de stock très rapidement pour pouvoir répondre aux ventes qui allaient être générées par cette médiatisation soudaine. Pour ne pas rater cette opportunité, mon besoin en trésorerie était urgent : il fallait lancer et recevoir une nouvelle production en 4 semaines ! J’ai donc demandé un prêt d’honneur « développement » qui a été très vite accordé.

Et la marque Sinan Hill dans tout ça ?

En 2018, j’ai voulu changer le nom de la marque en remplaçant SAYF par SINAN HILL. L’objectif était de développer encore plus le concept multiculturel de la marque. Je voulais que le nom de cette nouvelle marque ait des consonances orientales et occidentales. Mimar Sinan était un architecte ottoman et Napoléon Hill était un entrepreneur américain, fondateur du développement personnel. Ce sont deux personnes très inspirantes pour moi, j’ai donc mixé les deux noms pour créer SINAN HILL.

Le problème, c’est que la clientèle n’a pas du tout apprécié le changement de marque : au lendemain de l’annonce, j’ai reçu des centaines de commentaires sur les réseaux sociaux dont la plupart n’approuvait pas ce choix. Je n’avais pas compris l’importance du nom SAYF pour ma communauté. Je pensais que mes créations étaient ce qui importait le plus, mais, l’identité de marque est plus forte que le reste !

La première collection SINAN HILL a donc été un flop… J’ai réussi à sauver l’entreprise en vendant des produits de second choix de la marque SAYF. Tout le stock est parti en 2 jours car les clients pensaient qu’ils achetaient les dernières pièces de la marque. Sans le vouloir, j’ai créé un manque et lorsque j’ai annoncé le retour de SAYF, un an et demi plus tard, les clients étaient au rendez-vous !

Ce qui est contradictoire, c’est que c’est la marque SINAN HILL qui m’a ouvert les portes des grands médias et de la notoriété… Heureusement, j’ai eu la chance d’avoir le soutien sans faille de mes partenaires durant cette période charnière : conseillers commerciaux, agences de communication et experts comptables ont su m’aiguiller pour que je prenne la bonne décision qui était de revenir à la marque SAYF.

Avant SINAN HILL, je me considérais uniquement comme un créateur de mode. Après cette période, j’ai compris ce qu’était véritablement le rôle d’un chef d’entreprise. Être confronté aux problèmes, prendre des décisions difficiles, faire machine arrière pour mieux rebondir… cette expérience m’a vraiment forgé en tant qu’entrepreneur.

Quels sont vos projets de développement ?

Avant 2020, j’étais réticent à l’idée d’ouvrir un magasin. Mais lorsque j’ai organisé des showrooms éphémères à Paris, j’ai vite pris conscience que la demande de boutiques physiques était là. La moitié des visiteurs me disait connaître la marque mais ne pas vouloir commander en ligne.

Je suis donc actuellement à la recherche de locaux : idéalement un magasin à Paris et un autre à Martigues. Personnellement, j’aimerais que la boutique de Martigues soit inaugurée en premier car je suis attaché à mon territoire. Quant à l’implantation parisienne, elle reste indispensable : c’est là-bas que se trouve la majorité de ma clientèle.

Quel message souhaitez-vous passer aux jeunes entrepreneurs ?

En toute transparence, il faut savoir avant tout que l’entrepreneuriat n’est pas une aventure facile. On est souvent livré à soi-même… Il est essentiel d’être bien entouré. Mais, même si le chemin est tumultueux, je ne pourrais pas faire autre chose !

Le principal message que je pourrais faire passer est un conseil commercial basé sur mon expérience. Il faut bien faire la part des choses entre ce que l’on aime et ce que le client veut. Au début de ma carrière, je créais les produits qui me plaisaient mais il n’y avait pas réellement de demande. C’est à ce moment-là que j’ai compris que le client ce n’est pas soi ! Quand on se lance dans l’entrepreneuriat il faut structurer son projet, faire une étude de marché, un business plan pour s’assurer que celui-ci est viable. Il est indispensable de trouver le juste équilibre entre ce qui nous passionne, ce que l’on aime faire et la réalité du marché : ce que le client veut.

Le second message, serait un conseil de motivation. Le temps passe très vite, il faut tenter sa chance pour ne pas le regretter plus tard. Je leur dirais donc de se lancer, même si c’est un projet à petite échelle. Cela permet de minimiser les risques de départ. Quand on ne lâche rien et qu’on s’arme de patience, ça finit toujours par payer… et on peut voir les choses en grand !


SAYF
www.sinanhill.fr
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Crédit photo : Ludivine Rambaud