Vous êtes producteur de poissons exotiques, un métier passion. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Je suis né au Cameroun, en zone tropicale. J’en suis parti après le baccalauréat. A l’âge de 6 ans, j’ai eu mon premier coup de cœur en la présence de deux poissons rouges japonais « queue de voile ». La mer était ma zone de prédilection, mon centre d’intérêt principal : la capture de jeunes poissons pour remplir mes aquariums.
Malheureusement, les techniques de l’époque ne me permettaient pas de maintenir longtemps des animaux marins en captivité. Je devais les relâcher. Puis, je me suis tournée vers les poissons de rivière, plus compliqués à atteindre, mais le jeu en valait la peine. J’ai toujours su que je voulais en faire mon métier.
Comment avez-vous appris le métier ?
J’ai suivi un parcours universitaire en biologie marine. Mais, j’ai surtout appris sur le terrain, en travaillant pour diverses entreprises aquacoles et en côtoyant des personnes expérimentées.
En 2004, j’ai intégré une entreprise à Monaco pour faire de l’élevage de géniteurs de poissons de mer pour l’aquaculture marine. Pendant 10 ans, je me suis spécialisé dans la production de bars et de daurades.
Quand avez-vous décidé d’entreprendre ?
Quand l’entreprise aquacole pour laquelle je travaillais a décidé de se diversifier, je me suis retrouvé à travailler dans le secteur de la restauration. Je me suis rendu compte qu'il n'y avait pas de débouché et surtout que ce n'était pas vraiment ce qui me plaisait.
J’ai alors décidé de revenir à ma première passion : l’élevage de poissons exotiques. C’est un intérêt que j’ai depuis toujours mais mon parcours de vie m'a un peu égaré.
Cela faisait longtemps que ce projet me trottait dans la tête, cependant je n’avais pas toutes les cartes en main pour pouvoir lancer l’activité, surtout pour la phase de commercialisation. Un jour, une connaissance m’a mis en contact avec un grossiste situé à Prague qui est devenu mon principal client. Cette connexion m’a permis de franchir le cap de l’entrepreneuriat.
Vous êtes installés au sein du site Eranova à Port-Saint-Louis-du-Rhône. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Mon entreprise, Têtard Industrie, est installée sur ce site depuis août 2023 mais l'entreprise a officiellement été créée en avril 2024. Eranova est une société de biotechnologie qui produit des algues vertes échouées sur les plages pour les transformer en résines biosourcées.
Pour ma part, j’ai l’opportunité d’avoir un bel espace sous une serre horticole où j’ai pu réaliser toutes mes installations. Au fil des années, j’ai pu accumuler de l’équipement me permettant de pouvoir installer ma production de poissons tropicaux.
J’apprécie le cadre de Port-Saint-Louis-du-Rhône, différent des grandes villes où le béton est omniprésent. Ici, la nature, le calme et l’accessibilité à vélo apportent un vrai plus à mon mode de vie et mon activité professionnelle.
Qu’est-ce qui vous différencie des autres producteurs ?
Nous sommes seulement trois producteurs de poissons exotiques en France et je me positionne sur le marché du privé, alors que d’autres sont spécialisés davantage dans les aquariums publics.
Je me distingue par la qualité des poissons qui peuvent atteindre une taille plus importante que ceux qui sont importés par avion par des éleveurs d'Asie cherchant à maximiser leurs profits avec des poissons de petites tailles. Aussi, selon les pays d’importations, certains peuvent être plus susceptibles d’avoir des parasites.
De mon côté, les acheminements vers mon grossiste situé à Prague se font par camion. Grâce à ce mode de transport plus compétitif, je peux concurrencer d’autres productions internationales.
Quels types de poissons élevez-vous ?
J’élève plusieurs espèces de poissons tropicaux, comme les Pterapogon kauderni, les Pseudochromis fridmani, les Amphiprion ocellaris aussi appelés poissons clowns (orange) et les Amphiprion darwini (poissons clowns noirs, issus d’une sélection naturelle) et des crevettes.
Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne votre activité ?
L’objectif est de produire des poissons tropicaux pour le marché de l’aquariologie. Je commence avec des couples de géniteurs qui pondent des œufs, dont les larves écloront ensuite. La naissance des larves est un moment clé de la production car il faut être très réactif afin de les récupérer avant qu’elles ne soient mangées par les adultes.
Je nourris ces larves avec des proies vivantes, comme des copépodes et des rotifères. C’est un métier très prenant, car même si les rotifères peuvent tenir 3 jours sans nourriture, les larves quant à elles peuvent tenir seulement quelques heures. C’est un travail quotidien pour assurer la bonne santé des poissons.
La gestion de l'eau est aussi un aspect clé : l’eau de mer que j’utilise est pompée brute et passe par un système de filtration rigoureux avant d’être chauffée à la température idéale de 27°C pour les poissons.
Quels sont vos objectifs à court et moyen terme ?
À court terme, je vise une production de qualité pour cet été, avec l’objectif de vendre entre 500 et 1000 poissons par mois d'ici la fin de l’année.
Je souhaite également développer un grand aquarium pour intégrer des coraux et créer un environnement plus naturel pour les poissons où différentes espèces pourront vivre et se reproduire en harmonie.
Enfin, mon principal objectif est d’utiliser de l’eau pure et de ne plus dépendre de mon système de filtration actuel. Pour cela, je devrais déménager dans un endroit où un forage pourra être réalisé. À 40 mètres de profondeur, je peux accéder à la nappe phréatique, ce qui pourrait grandement simplifier le processus de purification de l’eau.
Tetard Industrie
Port Tellines - 5 avenue de la Mer - 13230 Port Saint Louis du Rhône
06 52 42 71 21
Crédit photo : Ludivine Rambaud